Dois-je participer aux concours graphiques ?

Écrit le 22 oct. 2015 par dans : « Rapports commerciaux ».

Partager sur :

  • Twitter
  • Facebook

Ivre, il participe à un concours graphique.

Jeune (ou moins jeune) créatif, on peut parfois être tenté de participer à un concours graphique : le sujet est sympa, l’organisateur connu et le lot récompensant le vainqueur parfois coquet. Pourtant, dans 95 % des cas, c’est un attrape-couillons. Explications.

Qu’est-ce qu’un vrai concours graphique ?

Le véritable concours graphique vertueux est une espèce rare. Il doit cumuler diverses qualités hautement subversives dans le monde ultralibéral de la communication, parmi lesquelles :

  • ne pas remplacer un appel d’offre ;
  • ne pas s’accaparer tous les droits sur les soumissions des candidats ;
  • ne pas exploiter commercialement ces mêmes soumissions ;
  • justifier son existence par lui-même.

Un exemple ? Le concours de BD d’Angoulême est un véritable concours graphique, qui n’a pour but que de faire connaître ses lauréats sans exploiter autre chose que la publicité (en terme d’image) générée par l’événement.

Participer à un tel concours peut être une bonne occasion de vous faire la main, de participer à un événement qui vous plaît, de remporter un petit lot, voire (soyons fous) de vous faire un nom dans le milieu où vous souhaiteriez évoluer plus tard.

Qu’est-ce qu’un faux concours graphique ?

Eh bien, c’est facile, c’est tout le reste. Par exemple :

  • n’importe quel « concours graphique permanent » organisé par telle plateforme de crowdsourcing ;
  • n’importe quel « appel au public pour dessiner la nouvelle mascotte » de telle boîte de lessive ;
  • n’importe quel « hackathon pour créer la killer app révolutionnaire » de telle assurance du CAC 40 ;
  • n’importe quel « appel à candidature pour imaginer le futur logo » de tel organisme d’État.

Ce sont là des appels d’offre déguisés qui font travailler gratuitement des créatifs pour créer de la valeur marchande à moindre (voire zéro) coût.

Participer à de telles impostures n’est jamais un bon investissement pour un créatif professionnel, voyons pourquoi.

  1. Premièrement déjà parce que vous n’allez pas gagner d’argent, à moins d’être extrêmement chanceux. Et même en perdre, si l’on considère que le temps que vous allez passer sur ces concours est du temps que vous n’allez pas allouer à des projets vraiment rémunérés.
  2. Deuxièment parce que, et seulement si vous êtes extrêmement chanceux donc, vous allez gagner très peu d’argent, les compensations financières des lots (quand elles existent) étant dans leur écrasante majorité dérisoires au regard des prestations effectuées.
  3. Troisièmement parce que vous allez vous faire exploiter en travaillant gratuitement pour une entreprise commerciale ou une administration (arrivé à ce stade, prendre un boulot alimentaire chez McDonald’s sera financièrement plus avisé et éthiquement moins douteux).
  4. Quatrièmement parce que personne ne gagnera jamais sa vie en étant payé en « visibilité ». Et que ceux qui prétendent que ça vous permettra de trouver un travail rémunéré la prochaine fois mentent, tout simplement.
  5. Cinquièmement parce que vous pourriez utiliser ce temps de travail pour en faire profiter des organisations sans moyens qui comptent pour vous (une association nécessiteuse, un groupe de musique…). Ça remplira autant votre book et vous gagnerez des points de karma.
  6. Et enfin parce qu’à long terme, ça décrédibilise totalement l’expertise du créatif, qui scie allègrement la branche sur laquelle il est assis en laissant entendre que son métier n’a aucune valeur.

En résumé : participer à un concours graphique se résume la plupart du temps à remplacer gratuitement une prestation qui devrait être rémunérée. Pour la santé de son activité et de celles de ses confrères, le graphiste professionnel restera à bonne distance de ces pratiques douteuses.

Documents connexes

Le sujet n’est pas nouveau et a déjà fait couler beaucoup d’encre (même ministérielle). Pour finir de vous convaincre, quelques liens utiles parmi (beaucoup) d’autres :

  1. la pétition sur le Travail Gratuit ;
  2. Les plates-formes de crowdsourcing : « simple mise en concurrence », « économie collaborative », vraiment ? chez Les Graphisteries ;
  3. Les concours de graphisme, pourquoi ça craint en général chez Marie & Julien ;
  4. Ça existe, les graphistes bénévoles ? chez STPo.