La notion de base absolue pour tout créateur. Un poil théorique, mais ça passe vite.
Le droit d’auteur français, un sous-groupe de la Propriété Intellectuelle, est inscrit dans la Constitution. Il est l’un des plus (le plus ?) protecteur du monde pour les créatifs, autant en profiter. Il s’applique automatiquement, sans aucune formalité, dès la création d’une œuvre originale. À partir du moment où vous créez une œuvre de l’esprit1, vous en acquérez immédiatement le statut d’auteur, et la panoplie de droits qui vont avec, aucun dépôt ni mention ne sont nécessaires2. Ces droits se composent de deux familles : le droit moral et les droits patrimoniaux.
Le droit moral
C’est l’ensemble des droits relatifs à la paternité, à la propriété, et à l’intégrité d’une œuvre. En résumé, le droit que vous avez de déclarer que c’est votre œuvre et d’en faire ce que bon vous semble, et l’interdiction pour quiconque d’autre de le faire à votre place.
Le droit moral regroupe donc plusieurs droits exclusifs, en voici les principaux.
- Le droit de divulgation : droit de décider de révéler une œuvre au public et d’en autoriser l’exploitation, ou non.
- Le droit au respect du nom : droit de signer une œuvre, de s’en réclamer comme auteur, d’exiger qu’on vous en cite comme l’auteur.
- Le droit au respect de l’œuvre : interdiction à quiconque de dénaturer l’esprit d’une œuvre, sa nature, son intégrité et la volonté de son auteur.
- Le droit de retrait : droit de retirer votre œuvre du public ou d’une exploitation qui en est faite (quitte à payer des dédommagements à l’exploitant).
Ce droit moral est incessible, inaliénable, et imprescriptible.
Traduction : vous ne pouvez le céder à personne, quel que soit le contrat qu’on vous fasse signer, même avec votre sang. Personne ne peut vous en déposséder quoiqu’il arrive. Il n’arrivera jamais à terme, vous en serez considéré comme l’auteur jusqu’à la fin des temps (ou la prochaine attaque nucléaire).
Les droits patrimoniaux
Ces droits sont ceux qui permettent à l’auteur de tirer profit d’une œuvre.
On les appelle couramment droits d’exploitation. Ils regroupent deux autres droits.
- Le droit de représentation : droit de diffuser une œuvre dans le public.
- Le droit de reproduction : droit de fixer l’œuvre sur un support matériel quelconque afin de le diffuser. Inclus souvent de manière implicite le droit d’adapter l’œuvre au nouveau support pour rendre l’opération possible (logique).
Afin de laisser le temps à vous et votre famille de jouir des fruits de votre travail, ces droits courent pour toute la durée de votre vie, puis 70 ans après votre mort. Ils sont alors transmis à vos héritiers successifs. À là fin de cette période, votre œuvre tombe dans le domaine public : vous en serez toujours désigné comme auteur (droit moral imprescriptible, souvenez-vous), mais son exploitation sera libre et gratuite. (Les opéras de Verdi sont toujours attribués à Verdi, mais chacun peut les jouer, les adapter, les enregistrer et en vendre des exemplaires sans payer de droits.)
En attendant, ce sont donc ces droits, les droits patrimoniaux, qui peuvent être cédés, c’est-à-dire vendus à un tiers afin que celui-ci en démarre l’exploitation. Le tiers en question, votre client, devient alors un « ayant droit » (celui qui est propriétaire des droits).
La cession de droits
Cette vente de droits patrimoniaux nécessite la signature d’un acte de cession de droits en bonne et due forme.
L’acte peut revêtir plusieurs formes – document indépendant, intégré à un contrat d’exploitation, annexé à une facture ou un devis (via des CGV3 par exemple) – mais doit rassembler un certain nombre d’indications minimales pour être valable, en premier lieu desquelles la nature et les limites de la cession, ainsi que la rémunération prévue en échange, qui doit exister, et être proportionnelle aux revenus générés par l’exploitation.
Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur notre article « Comment établir une cession de droits d’auteur ? ».
Ce qu’il faut retenir ici à propos de l’acte de cession, c’est que tout droit qui n’y est pas explicitement mentionné n’est pas acquis. Dit à l’envers : aucun droit n’est présumé acquis « par défaut » s’il ne fait pas l’objet d’une cession.
Vous ne vendez donc que les droits que vous précisez dans la cession, pas un de plus, et dans les limites qui y sont précisées.
Le jour où votre client voudra plus de droits ou une extension de ceux déjà acquis, il devra signer et payer une nouvelle cession.
Ce qui nous amène à parler de ce qui arrive si quelqu’un passe outre ces obligations.
Violations du droit d’auteur
On peut se permettre ici de citer un bout d’article du Code de la Propriété Intellectuelle assez parlant de lui-même :
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit est illicite, et punie selon les lois relatives au délit de contrefaçon. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »
(Art. L. 122-4 du CPI)
Vous avez bien lu, utiliser l’une de vos œuvres (même un détail, même modifiée) sans vous demander ni vous payer, ou hors des limites des droits que vous avez vendus (sans parler des gens qui vous la prennent et disent carrément que c’est à eux) c’est un délit de contrefaçon, théoriquement passible de fortes amendes et même de prison dans les cas extrêmes. Sus aux plagiaires et voleurs de travaux, en somme.
Exemple
Albert, illustrateur de son état, a dessiné une affiche de commande pour une marque de sucrettes (avec un r), représentant une belle jeune fille en jupe. Il en a cédé, contre une somme raisonnable, les droits de reproduction et de diffusion à une agence de com. qui l’a transformée en affiche et placardée sur tous les murs du pays. Mais en se baladant, Albert constate avec effroi que son œuvre a été modifiée et dénaturée : la jupe a été raccourcie sans son consentement (sûrement à la demande d’un de ces commerciaux obsédés de chez le client) et son éblouissante palette chromatique complètement massacrée par un « graphiste » de l’agence, de toute évidence daltonien ou au moins stagiaire.
Albert est devant un cas typique de non-respect de l’œuvre, car elle a été modifiée sans son accord, et de son point de vue d’auteur, dégradée. Albert est en droit de demander réparation à l’agence, par exemple sous forme d’une nouvelle cession pour se mettre en règle, et de verser les droits supplémentaires en conséquence. Sinon, ça pourrait chauffer.
La même histoire peut être racontée avec le stagiaire qui « oublie » de mettre la signature d’Albert alors que celui-ci ne l’a jamais permis : Violation du droit au nom. Plainte. Procès. Boum.
Attention carotte
Un point important mérite tout particulièrement d’être soulevé, car il est au centre de nombreux abus. L’une des caractéristiques du droit d’auteur français réside dans l’impossibilité légale de céder les droits d’œuvres futures : vous n’êtes pas autorisé à vendre les droits de travaux que vous n’avez pas encore créés. Par conséquent, les clauses de type « L’auteur cède les droits d’exploitation de toutes les œuvres créées dans le cadre du présent contrat », quels que soient les termes exacts employés, ne sont pas valables, y compris celles qu’on trouve très régulièrement dans les contrats de travail salarié. On doit vendre les droits de ses œuvres pour chacune d’entre elles, au fur et à mesure de leur création, que ce soit via de nouveaux contrats ou par des avenants.
Plus d’informations sur le droit d’auteur du salarié.
En résumé : il est donc primordial de comprendre que quoiqu’il arrive vous serez et resterez toujours propriétaire de vos œuvres. On ne « vend » pas une œuvre, et l’acquéreur n’en fait pas ce qu’il veut. Ce que vous vendrez c’est le droit de l’utiliser à certaines fins bien définies. Toute utilisation non autorisée de votre œuvre, ou dépassant le cadre de ce que vous avez autorisé, est un délit de contrefaçon.
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N. B. Une idée originale (ou concept), en tant que telle, ne peut être protégée par le droit d’auteur. Par contre sa matérialisation (graphique, littéraire, sonore ou autre) le peut. C’est par la matérialisation qu’une idée devient une œuvre. Capiche ? ↩
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« Alors pourquoi des tas d’auteurs passent-ils leur temps à déposer et protéger leurs œuvres ? » me demanderont quelques petits malins. Et bien c’est simplement pour qu’en cas de problème ils puissent prouver qu’ils sont bien les auteurs de ces œuvres, et donc les propriétaires des droits. On ne dépose pas la propriété d’une œuvre, mais juste la preuve qu’on a été le premier à la faire, donc qu’elle est originale, donc qu’on en est l’auteur. On parle des différents systèmes de dépôts d’œuvre ici. ↩
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CGV : Conditions Générales de Vente, voir comment on en fait page. Article à venir. ↩